Arrête du petit Rulhe… J’ai failli mourir

« Toute journée en montagne est une expérience enrichissante, toute expérience mérite d’être vécue »

J’avais prévu de réaliser l’arrête Ouest du Petit Rulhe, d’une difficulté inférieure à ce que je peux réaliser, mais en solitaire et sans assurage, ce qui peut être inconscient pour beaucoup, voir même pour la plupart, mais je sais où sont mes limites et je n’irai pas tenter le diable sur des parois dont mes capacités sont limites. Puis, je ne me connaissais pas réellement, comment je réagirais en grimpant dans une simple face dont la difficulté n’est pas excessive, mais avec une vue vertigineuse, la chute est interdite par endroit !! Comment je réagirais devant une difficulté, devant une grosse hésitation, je commence à me découvrir davantage, je sais qu’à travers l’alpinisme je m’épanouirais, je ne pourrais jamais atteindre le niveau des meilleurs alpinistes mais je pourrais aller au bout de mes possibilités physiques ou mentales, il reste à déterminer laquelle surpasse l’autre…

Comme à mon habitude, lorsque je suis en montagne, je prévois un réveil matinale afin de débuter ma course tôt, ce qui permet de gérer d’éventuels retards ou problèmes (technique, météo, physique,…). Je me réveille avant même la sonnerie de mon téléphone, que je regarde de suite, il indique 5h50 ! Parfait, je me lève sans faire de bruit afin de ne pas réveiller les autres occupants du refuge, prends mes affaires et me rends dans le réfectoire pour y prendre mon déjeuner, puis la toilette. Je m’oriente rapidement vers l’arête Ouest du petit Rulhe, on y arrive en à peine 15 minutes depuis le refuge.

Je m’engage donc sur l’arrête en passant à gauche de la ligne d’arbre, on débute avec un petit échauffement sur les premiers parties de l’arrête, rien de bien difficile, des passages de rochers en légère pente. Puis la pente augmente, on arrive sur des difficultés supérieures. A l’approche de celles-ci, je me concentre davantage, l’erreur n’est pas autorisé sur certaines partie en étant seul, je regarde bien le cheminement pour prendre le plus logique et le moins engagé. Cependant, on distingue toujours le chemin mais on ne sait jamais réellement sur quelle type de prises on va se tenir, est-elle crochetant, lisse, gros bac… ? Mon chemin déterminé, je me lance en prenant une bonne respiration, les premiers mètres ne posent aucun soucis, jusqu’à arriver à un passage qui me paraissait simple d’en bas, mais qui en réalité est légèrement plus compliqué, je ne trouve pas de main gauche convenable, mon pied droit commence à glisser, je vais bientôt me retrouver dans une position inconfortable si je ne trouve pas une solution rapidement. Je bloque finalement mon poing droit dans une fissure, ce qui m’assure une solide prise et me permet de me replacer et d’étudier le mouvement plus tranquillement et de l’accomplir. Ouf, voilà j’arrive en bas du premier ressaut, j’aiguille en un instant ma progression et me lance à corps perdu dans cette escalade, il ne me pose pas de résistance particulière, hormis un fort vent latéral qui par moment se fait bien sentir ! J’arrive au niveau du rappel, je fais hâtivement les manipulations pour le réaliser, je vérifie au préalable le bon état des sangles , cordelettes , maillon rapide en place, c’est ok et leur solidité aussi, je ne mets donc pas de cordelette. J’effectue ma descente avec une corde qui est totalement partie sur la gauche lors de son jeté à cause de ce maudit vent !
Je me dirige maintenant vers le deuxième ressaut, qui ne doit pas présenter une difficulté supérieur au précèdent. Par contre ce vent commence à être un petit peu agaçant, je décide donc de bien m’en protéger en sélectionnant une voie sur le côté, je regarde toujours avec attention mon parcours, et me lance une nouvelle et dernière fois dans le second ressaut. Tout se déroule pour le mieux, la grimpe est correcte, je ne force pas, mais arriver sur le haut, je me retrouve sous un petit toit, ou du moins c’est l’impression qu’il me donne au moment où je le regarde ! Là, je commence à me poser des questions, comment vais le passer ? Suis-je sur la bonne voie ? N’est-il pas préférable de redescendre ? Après une longue hésitation, j’opte pour la troisième solution, ce qui me permet de refaire le point tranquillement en bas, de plus je n’ai aucun retard en terme d’heures, je sais qu’il est aux alentours de 9h00 suite aux photos prisent précédemment avec mon téléphone portable. Je distingue sur la gauche un piton, je vérifie sa solidité, ça semble être ok, je me longe dessus, toujours aucun soucis. Parfait, je vais mettre en place mon rappel. Je me dois cependant de renforcer ce point avec la pose d’un autre, mais le fait de laisser du matériel en haut m’agace un peu, vu le prix qu’il coute. Je reste donc sur un point, commence à mettre en place mon rappel et… ce qui pouvait arriver, arrive. Je chute…

Le début d’une longue journée commence. Néanmoins je ne sais pas pour qui cette journée a été la plus longue, ma famille ? Ma femme, Melissa ? Le gardien du refuge ? Me concernant, je sais que ce n’est pas le cas, je n’ai que de vagues souvenir de cette journée à partir de ce moment, d’ailleurs certains éléments racontés après, je ne les ai découvert qu’après.

Je chute d’une hauteur comprise entre 10 et 15 mètres sur une dalle de pierre, s’en suis des roulés boulés sur une cinquantaine de mètres, ma chute s’arrête enfin ! Je me réveil, je ne sais pas l’heure qu’il est, après tout je n’ai conscience de rien, mes actions sont instinctives, mon cerveau est en mode survie. Je tente de téléphoner, par trois fois, au secours, mais le réseau téléphonique est totalement absent sur cette partie de l’Ariège. Je me résigne à rejoindre le refuge que je vois de ma position, il n’est pas loin, moins d’un kilomètre… Naturellement, j’enlève ma longe du piton pour la remettre sur mon baudrier, commence à remettre mon sac à dos et à ranger ma corde, il n’est pas question de laisser mon matériel ici, je prends soin de mes affaires même dans les pires situations. Mais je n’arrive pas à prendre la corde, elle semble bloquer, tant pis je la laisse et viendrais la chercher plus tard, je commence mon périple. Impossible de me lever, de bouger, mais que m’arrive-t-il ? Moi qui suis en temps normal, instable, toujours actif, ce n’est pas moi dans ce corps ! Pourtant je ne sens aucune douleur, mais rien n’y fait, je suis clouer au sol. Une solution, je commence à ramper au sol, ça fonctionne, c’est sûr, je me sens avancer, c’est dur et lent, mais j’avance c’est l’essentiel. Il me fallait descendre des pentes prononcés, des tonnes d’éboulis, je ne sais même pas comment j’ai réussi à les réaliser, je sais juste que mon cerveau fonctionne par objectif, je me donne un point de mire et cesse de me déplacer qu’après l’avoir atteint. J’ai l’impression que chaque objectif est long à atteindre, mais je ne lâche rien, après tout j’aime relever les défis ! Tout objectif atteint semble être l’occasion d’y faire une petite pause, une petite sieste, je m’endors… Non il ne faut pas, à chaque fois je tente d’éviter un sommeil prolongé, juste un petit repos.

Pendant ce temps la journée passe, Melissa commence à s’inquiéter, elle regarde mes mails sur mon ordinateur pour savoir où je me situe réellement, je ne l’avais pas trop informé de ma destination, ou du moins elle n’y prêtait guère attention. Mais je ne peux lui en vouloir, c’est ma faute à trop tirer sur la corde… Elle tente par deux fois d’appeler le refuge du Ruhle, aucune réponse. Elle appelle la gendarmerie qui l’oriente immédiatement vers le PGHM, qui vont s’occuper de tout dès ce moment, ils contacts le Rulhe.

En parallèle, je continue l’atteinte de mes objectifs, je ne sens toujours aucune douleur, par contre je n’arrive pas à me tenir debout, je réapprends la vie depuis le début, au sol pour commencer. Les bases sont importantes finalement. Le temps passe, je progresse et les nouvelles n’arrivent pas pour Melissa. Calou, le gardien du refuge, va partir vérifier l’arrête dans le doute. Vers 19h30 – 20h, j’approche du refuge, il ne me reste plus grand chemin à parcourir, une centaine de mètres peut être, j’aperçois une personne partir du refuge, dans un élan je me lève et cries de toutes mes forces afin de signaler ma présence. Il ne me voit pas, ne m’entends pas, par chance une autre personne du refuge présente côté cuisine me voit et interpelle Calou. Je suis sauvé, ils arrivent ! Premier réflexe, je leurs signale que tout vas bien et qu’il faut le dire à ma copine, on me dit que c’est ok, certainement avec stupeur, je ne devais pas être au top de ma forme. Ils m’aident à rester debout, direction l’infirmerie…

Le PGHM est aussitôt averti de mon arrivée, il en profite pour contacter Melissa et l’informer de ma présence au refuge. L’hélicoptère ne peut venir me récupérer à cause du temps trop couvert, une belle randonnée pour le PGHM ! (désolé les gars) Jusqu’à l’arrivée des secours, Calou est resté à mes côtés, il me parlait, me posait des tonnes de questions, toute cette partie je ne m’en souvenais plus du tout, cela a duré 4h !! Et me connaissant, j’ai dû en dire des bêtises. Le PGHM m’a redescendu de nuit vers le Pla de la Peyres, il pleuvait je m’en souviens, je me suis rapidement éveillé lors du trajet et ressenti des goutes sur mon visage.

J’ai été pris en charge au CHIVA de Foix à 4h00 du matin le lundi, le PGHM une nouvelle fois averti ma compagne, ils ont fait un travail exceptionnel, merci… J’ai le droit à un scanner pour déterminer les traumatismes, ils sont nombreux : traumatisme crânien avec perte de connaissance (merci le casque), 9 côtes cassées à droite, pneumothorax sévère avec décollement de la plèvre, fracture sternum, fracture omoplate droite, fracture par tassement de la dorsale 10, pas mal d’apophyses transverses, le sacrum qui a naturellement été impacté, fracture multiples sur main gauche, entorse cheville gauche et de multiples hématomes… On comprend un peu mieux la raison de ma lenteur je crois !
Finalement, je suis transféré au CHU Purpan qui m’opère le lundi soir puis de nouveau transféré à l’hôpital Larrey, le plus grave pour les médecins étant le poumon. Mais je reviendrais en détail sur l’après…

Ce jour-là, j’ai clairement eu de la chance ! La chance de ne pas être mort lors de ma chute, la chance d’être arrivé au refuge, la chance d’être arrivé vivant, la chance de ne pas être handicapé, la chance d’être tombé sur des gens formidables.

Cette expérience, aussi bête soit-elle, doit devenir une force et me permettre de continuer ma passion avec beaucoup plus de prudence et de sécurité. La première chose, ne plus jamais partir seul.


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Un mec ordinaire mais qui aime sortir du quotidien en s'évadant dans les montagne... La montagne ca nous gagne :)

1 commentaire

  1. VILLOT a écrit :

    Tu as aussi eu la CHANCE d’avoir un Père qui t’Aime et qui a remué Ciel et Terre avec l’aide de Momo dés que Mélissa nous a téléphoné pour nous faire part de ses inquiétudes vers 16h30 .

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